Je vais commencer par vous parler du cratère de Maragua, ou Coline, Gaëlle et Michael (deux amis français qui travaillent également pour Ayni), Bruno et moi sommes allés il y a déjà deux semaines. Nous nous sommes retrouvés à 9h un samedi matin dans un quartier périphérique de Sucre. D’après le guide du routard, ma « bible de voyage », c’est de là que partent les bus pour Chaunaca, un petit village situé a 3h de marche de Maragua et de son cratère. En fait de bus, c’est dans un camion de marchandises que nous avons grimpé. Nous nous sommes installés sur la cabine du chauffeur, les pieds a quelques centimètres des visages des paysan(nes) assis en dessous de nous, au milieu de sacs de céréales et autres produits agricoles.
En effet, ici les denrées sont encore souvent acheminées jusqu’aux petits villages a dos d’hommes (ou de femmes) ! Les Boliviens sont capables de parcourir des distances impressionnantes chargés comme des mulets ! (Petite pause car le riz ne passe pas… je vais troquer l’ordinateur pour la bassine et attendre. Advienne que pourra)
25/06 : Depuis mon billet d’hier, j’ai avalé un petit bout de kouign aman (délicieux gâteau breton préparée par Gaëlle), que j’ai vomi au milieu de la nuit, ainsi qu’un bout de pain et une banane ce midi, laquelle est toujours coincée dans mon oesophage. Du coup, je reste au lit aujourd’hui, et en profite pour reprendre mon récit...
Bref, je poursuis sur le cratère de Maragua. Quelques minutes après notre départ de Sucre, surprise : une vache nous a rejoint ! Il a fallu plusieurs minutes pour la faire monter et la caler tant bien que mal au bout de la remorque, mais ensuite, elle n’a pas bronché du trajet. De mon coté, vu comme nous peinions a garder l’équilibre en position assise, j’ai souffert de voir ses fines pattes maintenir tant bien que mal son gros corps tout le long du trajet (et tout ça pour finir a l’abattoir, sauf qu’a la différence des pauvres bêtes d’élevage, celle-la aura passé ses jours a l’air libre !)
Après une bonne heure et demi de camion sur d’étroites routes de montagne en lacets, le chauffeur nous a débarqué a une intersection d’où partait le chemin que nous cherchions. Plein d’entrain, nous nous sommes mis en marche.
En général, quand on part faire de la randonnée en Bolivie, il est dur de savoir précisément combien de temps il va falloir marcher. Les « locaux » ont peu la notion du temps et des kilomètres. Ce week-end là, quand on demandait aux gens en chemin combien de temps il nous restait jusqu’a Maragua, certains nous répondaient un quart d’heure quand quelques mètres plus loin d’autres nous disaient « une heure » … les boliviens n’ont pas la même notion du temps que nous : ils savent combien de courbes restent avant d’arriver a leur village, ou quelle heure il doit être selon l’emplacement du soleil dans le ciel, mais pour nous occidentaux habitués aux données exactes, ça reste flou ! Au final une bonne marche nous attendait puisque nous avons mis 4h a atteindre Maragua (nous pensions en avoir pour 2h30 au plus). Nous y sommes arrivés vers 16h de l’après midi, morts de faim et pressés de trouver un endroit ou camper. Le village, avec ses ruelles désertes, sa petite boutique (fermée à notre arrivée), et son église délabrée, ressemblait à un village fantôme. Située au centre d’un immense cratère aux origines obscures (météorite ? éruption volcanique ? Chacun y va de sa version), ses habitants vivent de leur travail aux champs et de l’élevage de bétail, qu’ils partent régulièrement échanger en ville contre les produits de première nécessité qui leur manquent. Après une autre demi-heure à errer dans le village a la recherche d’une bonne âme pour nous renseigner, nous sommes finalement tombés sur de belles cascades à quelques pas du village et avons décidé d’y camper. Il était temps car le soir commençait déjà à tomber (eh oui, ici c’est l’hémisphère sud. En ce moment, il fait nuit à 18h)! Nous avons disposé des pierres en rond puis sommes allés ramasser les quelques maigres brindilles qui traînaient alentour pour faire chauffer la soupe de Gaëlle. Au terme des préparatifs, nous étions parés pour une courte mais délicieuse soirée au coin du feu, à boire de la soupe, du Singani, et à jouer au tarot. Mais des 22h, le froid ayant gagné en intensité, chacun a rejoint son duvet.
Le programme du lendemain était pour le moins incertain : des habitants nous avaient annoncé qu’une « réunion de travail » devant avoir lieu a la mi-journée, un camion pour Sucre partirait dans l’après midi. Par contre, concernant l’heure du départ, les versions différaient : 12h, 14h, 16h, 18h… impossible de savoir ! Comme c’était notre unique chance de rejoindre Chaunaca en transport motorisé, nous étions déterminés à attendre. A midi, nous nous sommes donc installés sur la place de l’église. Plusieurs heures ont passées. Vers 15h, Coline, montée sur un muret et parée de jumelles, a enfin aperçu un véhicule garé sur la place centrale. Pleins d’espoir, nous nous sommes empressés d’aller à sa rencontre. C’était bien le camion que nous attendions mais, manque de bol, ses chauffeurs étaient occupés à arranger un pneu. Il nous a fallu attendre une heure de plus avant d’enfin démarrer : il était 17h.
Ce dont nous ne nous doutions pas encore, c’est que non seulement son pneu, mais l’état entier du camion, laissait à désirer. Apres quelques kilomètres, c’est d’abord la boite de vitesse qui a lâché. Par chance, quelques « arrangements » (et rasades d’alcool pour le chauffeur) plus tard, c’était réparé et nous pouvions repartir. Quelques dizaines de mètres plus loin, c’est un pneu qui a explosé. Heureusement, inutile de s’arrêter pour si peu : les pneus étant montés sur des jantes doubles, le second ferait l’affaire. Dans le camion, l’ambiance était un peu tendue : les blancs évacuant le stress a grand renfort de blagues, les Boliviens priant silencieusement pour que cet énième trajet Maragua-Sucre ne soit pas leur dernier. Heureusement (ou « miraculeureusement »), nous sommes arrivés sain et sauf a Sucre, vers 20h, fatigués, la faim au ventre, mais contents du week-end !
Trois jours plus tard, je devais partir pour Arica, au Chili, rejoindre Cristian et Juan Luis, deux amis, pour passer quelques jours de vacances avec eux. Mon passeport étant toujours entre les mains de la migration, Nelly m’avait aidé a rédiger une lettre a l’attention des services migratoires de La Paz afin d’obtenir un « prêt exceptionnel de passeport », le temps de faire l’aller-retour au Chili. Manque de chance : après quatre heures d’attente face a des fonctionnaires bien peu coopératifs, on m’a annoncé que mon passeport n’était pas encore arrivé a La Paz et qu’on ne pouvait donc rien pour moi. Apres m’être énervé juste ce qu’il faut contre l’agent qui m’avait fait attendre 4h pour rien (dans ce genre de lieu, vaut mieux savoir se contenir), j’ai ramassé mes sacs (et ceux de Bruno, resté avec moi toute la matinée a attendre… merci mon chéri) et suis partie, en rage. Finalement, tandis que Bruno partait attendre Olivier (un de ses amis), au Pérou, je suis restée a attendre Cristian et Juan Luis a La Paz. Cristian est arrivé le lendemain soir et Juan Luis le soir suivant.
La semaine à La Paz s’est vraiment bien passée. Moi qui pensais déjà bien connaître la ville, je n’ai cessé de découvrir de nouveaux lieux et de vivre de nouvelles expériences. L’hôtel, déjà, une petite pension a l’écart du brouhaha du centre, avec des fleurs et des animaux, m’a fait du bien. La descente de la route de la mort en vélo, ensuite, s’est avérée une expérience inoubliable. Pour une trentaine d’euros la journée, une agence vient vous chercher a votre hôtel a 8h et vous conduit au départ de la longue descente qui conduit a Coroico (ville des Yungas déjà mentionnée dans le billet « Cocoroicooo »). Là, après le petit-déjeuner, servi sur le bord de la route, chacun enfile son équipement (un pantalon et une veste de K-way, plus un casque, et même des protections pour ceux qui ont payé un peu plus cher (c'est-à-dire pas moi)). Ensuite, c’est parti pour 3 bonnes heures de descente, d’abord sur une route asphaltée sur une vingtaine de kilomètres, ensuite sur un chemin caillouteux qui serpente a flanc de montagne pendant une quarantaine de kilomètres. Les premiers mètres, on s’accroche au guidon et on écarquille bien grand les yeux pour ne pas tomber, et puis on s’habitue : on apprend a amortir les chocs et a bien prendre ses virages. Seule fille du groupe, je dois dire que je ne m’en suis pas trop mal tirée. Cette route, encore empruntée par les camions et les bus il y a quelques années, comptabilise des centaines de morts (il y en avait 150 par an en moyenne, soit l’équivalent de trois bus pleins…). Aujourd’hui, à part les touristes trop casse-cou qui, ne se rendant pas compte du danger, finissent par quitter la route, les accidents sont plus rares. C’est surtout que les véhicules a moteur empruntent désormais une autre route, beaucoup mieux aménagée et par conséquent beaucoup moins dangereuse ! Nous sommes tous arrivés sain et sauf en bas, tout suant dans nos gilets orange, et assoiffés par le changement brutal de température qui s’opère pendant la descente (on arrive en zone tropicale !). A l’arrivée, après une ultime photo souvenir (que je ne peux pas m’empêcher de mettre en ligne tellement je la trouve drôle…), l’agence nous a déposés dans un hôtel avec douches, piscine et buffet a volonté. Certes, c’est bien agréable, quoiqu’un peu trop « arrangé » a mon goût. Toutes les agences viennent déposer leurs « death-roadeurs » dans le même hôtel aux allures de club Med et leur remettent un tee-shirt estampillé « Death Road Survivor » : pas trop mon style… En tous cas, malgré ce regrettable passage obligé par une agence, croyez moi, descendre la route de la mort en vélo vaut vraiment le coup ! Je n’hésiterai pas une seconde à remonter en selle!
Le lendemain, mes deux compères et moi-même avions décidé de partir pour Sorata, un petit village a deux heures et demi de La Paz en direction du Pérou. A midi, une fois toutes les formalités administratives remplies, Cristian a enfin pu prendre le volant de (l’immonde) jeep dorée qu’on avait loué pour l’occasion (il n’y avait plus qu’elle de disponible…). Nous avons alors pris l’autoroute en direction d’El Alto, passage quasi obligé pour sortir de La Paz. Sur la route, quel étonnement de ne voir aucun panneau d’indication, aucune limitation de vitesse, et, encore plus étonnant, quasiment aucun autre véhicule. Mais ce n’est qu’en arrivant au péage d’El Alto que nous avons appris la raison de cette absence temporaire (de véhicules bien sur, pas d’indications) : le bloqueo ! Arrivés au péage, pas moyen de passer. Voitures et camions faisaient demi-tour les uns après les autres. Un policier nous a expliqué la raison de cette grève générale : le prix du transport ayant augmenté, les habitants d’El Alto avaient décidé de manifester leur mécontentement en bloquant l’accès a la ville toute la journée. On nous a annoncé que ça allait durer jusqu'à 18h environ (heure ou la nuit tombe). Nous avons fait demi-tour, un peu sonnés par la nouvelle, puis, décidés a ne pas nous laisser décourager si vite, nous nous sommes mis a parcourir les rues de La Paz a la recherche d’un autre passage. Malheureusement, tous les accès étaient bloqués. Vers 16h, après plusieurs tentatives, nous avons enfin réussi à pénétrer dans El Alto par une voie détournée. Bien mauvaise idée puisque ce que nous ne savions pas, c’est que le blocus s’était déplacé du péage a l’intérieur de la ville. Dans les rues d’El Alto, quelques voitures tournaient désespérément a la recherche d’une issue, mais rien a faire : les rues étaient bloquées par des pierres, des jantes enflammés ou des Bolivien(nes) plus que déterminés. Personnellement, je n’en menais pas large : moi, avec ma tête de gringa (terme péjoratif qui désignait au départ les Américains mais qui s’est étendu a l’ensemble des étrangers, toutes origines confondues), au volant d’une jeep dorée (si si, je conduisais!), perdue dans El Alto bloqué… on a fait plus rassurant. Il faut savoir qu’El Alto est un peu le chantre de l’anti-impérialisme bolivien. L’USAID, agence américaine pour le développement, s’en est faite expulsée l’année dernière, et partout dans la ville on peut lire des slogans pro-Evo Morales (et contre l’incursion de firmes étrangères dans l’économie bolivienne). Finalement, vers 17h30, la nuit tombant, nous avons décidé de redescendre à La Paz… et de rendre la voiture. Vu la dangerosité des routes boliviennes, partir pour Sorata si tard aurait été de la folie !
Petit photo souvenir (pris par le mec de l'agence) avant de lui rendre la jeep...
Le lendemain, après avoir rendu la voiture à l’agence (qui heureusement ne nous a fait payé qu’une journée), nous nous sommes consolés en allant à La Valle de La Luna. Cette vallée, située a une petite heure en micro (nom donné aux transports en commun ici : des camions de toute taille, ancienneté et nationalité, quoique maintenant beaucoup viennent de Chine…) du centre de La Paz, porte bien son nom : elle ressemble vraiment a des paysages lunaires. L’érosion a donné naissance a d’étranges formes pierreuses entre lesquelles, moyennant le paiement d’un droit d’entrée au site, il est possible de se promener. Ca m’a beaucoup rappelé la Valle de la Muerte a San Pedro de Atacama au Chili : hyper aride, hyper dépaysant… et hyper beau !
Mardi soir, après mes aux-revoirs avec Cristian et Juan Luis qui repartaient au Chili, je suis allée m’installer chez Daniel ou devait me retrouver trois jours plus tard Charlotte (partie escalader le Machu Pichu avec les trois amis bretons qui ont quitté Sucre il y a quelques semaines), l’autre Charlotte accompagné de Guillaume, son copain, en visite pour quelques semaines, Coline, Olga, ainsi que Bruno et son pote Olivier. J’ai profité de ces trois jours de calme pour bosser mes ateliers et assister a un cycle de conférences sur les avancées du processus de changement en Bolivie (réforme de l’Etat, réforme constitutionnelle, nationalisation des hydrocarbures, adaptation du multiculturalisme dans la pratique…).
L’événement était organisé par l’Alliance française en partenariat avec le musée d’ethnographie et de folklore de La Paz. Du coup, plusieurs chercheurs français, dont certains m’avaient servi à rédiger mon mémoire sur la Bolivie il y a deux ans, étaient invités ! Ca m’a fait plaisir de remettre le pied dans le monde de la recherche et de la politique, mais je n’ai toujours aucun regret de l’avoir abandonné. Chacun son truc. Pour le moment j’ai besoin de concret, c’est comme ca !
Pourquoi donc tout ce beau monde me rejoignait-il a La Paz ? Pour aller assister, le dimanche 21 juin au matin, au « wilkakuti » (nouvel an aymara) sur les ruines de Tiwanaku, ancienne cité préhispanique, et même pré-incaique située dans les environs du lac Titicaca. En effet, pour les indiens de l’Altiplano, le solstice d’hiver concorde avec le commencement d’une nouvelle année agricole. A cette occasion, ils ont coutume de se rassembler face a la célèbre Puerta del Sol pour y recevoir les premiers rayons du soleil (et capter l’énergie astrale !) Cette année, les aymaras entraient dans l’an 5517 de leur calendrier !
Nous sommes partis de La Paz le samedi après midi, a 12 dans un minibus loué pour le week-end. En chemin, la police nous a distribué des masques destinés à éviter une éventuelle contagion de grippe porcine, que nous avons tous enfilés en riant, pour les retirer quelques mètres plus loin. A notre arrivée a Tiwanaku, ce sont d’abord des dizaines de mètres d’étalages de bonnets, écharpes, bas, gants et autres vêtements chauds a vendre qui nous ont accueillis. Au solstice d'hiver, c’est bien connu, le problème, c’est le froid ! La nuit, la température descend en dessous de - 6 degrés (ça c’est la température enregistrée le matin, au lever du soleil, quand ça commence doucement a se réchauffer). Du coup, pour tenir le coup, les Boliviens s’emmitouflent le plus chaudement possible, puis dansent et boivent toute la nuit. Pour ma part, après quelques té con té (thé de cannelle avec du Singani, un délice) et pas de danse sur la place centrale, je suis retournée au camion dormir quelques heures. A 6h, tout le monde debout ! Duvets sur le dos, nous sommes partis en direction des ruines. La bas, les mains levées face à l’aurore, des centaines de Boliviens étaient la pour accueillir le soleil. Devant la foule, les leaders indigènes procédaient a des rituels : sacrifices de lamas, incantations… même si l’on ne voyait pas grand-chose, l’émotion y était !
Avant de rendre le minibus, nous sommes allés déguster quelques truites sur les berges du Lac Titicaca (la truite est quasiment le seul poisson consommé en Bolivie. C’est un poisson d’eau douce, bien sur…). Nous n’avons vu qu’une petite partie du Lac mais je compte bien y retourner… !
Apres ces dix jours de vacances, il était temps de rentrer à Sucre. Pas question de rater plus longtemps mes ateliers ! En plus, depuis quelques jours nous sommes sur un projet : organiser mi-juillet une « feria alimenticia y de juegos». Qu’est ce que c’est que ca? Heuuu… c’est long à expliquer, ce sera donc pour un prochain billet !
Donnez moi des nouvelles !
Besos a todos, cuidense
Marion
Eva la chirimoya, mon fruit en papier maché
Je mettrais bientot ceux des enfants en ligne