vendredi 5 juin 2009

Un vent de liberté souffle sur Sucre












Deux semaines ont passé depuis le 25 mai, grand jour pour Sucre qui fêtait le bicentenaire de son cher “Grito de libertad”. En effet, c'est ici que serait né, en 1809, un mouvement contestataire qui se serait répercuté dans toute l'Amérique latine jusqu'à déboucher 15 ans plus tard sur les déclarations d’indépendance dans tout le sous-continent. Depuis plusieurs semaines, Sucre se préparait pour cette grande fête. Partout on entendait parler du bicentenaire, les défiles n'en finissaient pas, et aux quatre coins de la ville des concerts et des expos étaient organisés autour de ce thème. Pour être honnête, ça en devenait même un peu fatigant parfois : impossible de descendre en ville sans tomber sur un défilé (et sur des rues coupées à la circulation, y compris la circulation des piétons...). Et puis pour des touristes non initiés aux différences culturelles interethniques et aux significations que peuvent avoir les danses traditionnelles, c'est malheureux à dire mais sans explications on se lasse vite.







Parmi les meilleurs souvenirs du 25 mai : la « feria del chocolate », celle du chorizo, ainsi que le feu d’artifice au stade ! Les ferias sont des foires organisées autour d’un thème. Celle du chocolat nous a fait du bien car il n’est pas facile ici de trouver du bon chocolat. Et puis la feria a été l’occasion de découvrir une céréale andine peu exportée : l’amaranto. Semblable a la quinoa, on la retrouve dans des boissons, dans des soupes, ou encore comme base de délicieuses barres chocolatées ! La feria du chorizo, elle, se tenait sur les hauteurs de Sucre, au mirador dont j’ai déjà dû parler. Au programme/menu : chorizo, bières, et concerts. Costaud comme petit-déjeuner dominical, mais tellement bon…
Le soir, un concert était organisé au stade. Nous y sommes allés trop tard pour avoir des places face à la petite scène où avait lieu le concert (qui tournait le dos au trois quarts du stade…). Etrangement, malgré le fait qu’on ne voyait pas le concert et que la moitié du stade était dans le noir, les gradins étaient pleins ! Et niveau sécurité, ça laissait à désirer (laisser un stade entier se remplir alors qu’on y voit pas à 3 mètres, c'est de la folie)…







Nous sommes quand même restés assez longtemps pour assister à un feu d’artifice mémorable: le plus dangereux mais aussi le plus beau que j’ai jamais vu ! Les feux décollaient du milieu du terrain ou on pouvait apercevoir les techniciens en train de courir, torches en main, au milieu des fumées et des pétards. On aurait vraiment dit une scène de guerre ! Les feux d’artifice explosaient au-dessus du public sur lequel redescendaient ensuite les cendres des fusées. Personnellement, je n’en ai pas reçues, mais j’ai eu une bonne montée d’adrénaline !

Il faut aussi que je vous raconte que deux jours plus tôt j’ai réalisé un de mes vœux les plus chers : voir Evoooo (Morales, le président de la Bolivie, pour les incultes). Il était en visite officielle à Ravelo, un petit village a 3h de Sucre, pour rendre hommage aux héros de l’indépendance de la Bolivie. Pourquoi Ravelo ? D’une part parce que c’est la qu’est née Juana Azurduy, une indienne qui fut à la tête des mouvements de guérilla contre les espagnols en 1809. D’autre part parce que vu le peu d’estime que lui portent les habitants de Sucre, il est préférable qu’il n’y vienne pas (les Sucrenses le rendent responsable de la perte de la « capitalia plena » ainsi que de la mort de deux habitants lors des émeutes qui eurent lieu a Sucre l’année passée).

J’ai eu beaucoup de chance de pouvoir y aller car j’ai réussi à obtenir une place au dernier moment dans le petit bus loué par les membres de Ñanta pour l’occasion. Son directeur m’avait confirmé la veille qu’il y aurait des places pour Charlotte et moi, mais au moment de partir, les "ñantais" se sont rendus compte que le bus était trop petit pour que nous y rentrions tous. Ils ont bien sur décidé de donner la priorité aux gens de Ñanta et nous ont rendu l’argent des billets en nous disant de rentrer chez nous. J’étais paniquée à l’idée de ne pas partir. Heureusement, les deux Charlotte, qui savaient à quel point ce voyage comptait pour moi, ont insisté pour qu’ils me laissent monter au moins moi, et ca a marché. Elles, par contre, sont restées sur le trottoir… Je ne les remercierai jamais assez de leur geste.

Depuis cet épisode, et même si le voyage avec eux s’est bien passé, je préfère éviter les gens de Ñanta. Je ressens au sein de ce centre une ambiance particulière. Le centre vit de l’argent de quelques étrangers et du travail de volontaires avec lesquels les relations sont ambivalentes. Parfois on sent que les « ñantais » ont envie de partager avec les étrangers, à d’autres moments ils leur font bien sentir qu’ils resteront toujours des étrangers. Par exemple, à chaque fois que le prof de culture du centre est venu discuter avec moi, ça a été pour me dire que je ne pouvais pas comprendre de quoi il voulait parler parce que je n’étais pas née en Bolivie. Quelle que soit leur origine, je déteste les gens qui en viennent a vénérer leur culture au point de mépriser celle des autres…
Il est important d’aimer sa culture et d’en être fier, cela me semble entre autres une condition prealable a tout echange, mais si j’aime quand un Bolivien m’explique telle ou telle tradition, je n’aime pas quand il se met a essayer de me démontrer combien ses traditions sont meilleures que les miennes. Selon moi, aucune culture ne vaut plus qu’une autre et c’est bien ce qui fait la richesse de la diversité. C’est en prenant conscience de la diversité qu’on en vient à relativiser ses propres croyances et à être plus tolérant !

En tout cas Ravelo, c’était super ! Le matin, au sortir de la salle de classe ou nous avions passé la nuit, quelle ne fut pas notre surprise de voir la cour de l’école remplie de soldats en pleine répétition. Avec leurs uniformes verts, jaunes ou rouges, ils paraissaient tout droit sortis d’un dessin animé. Je suis même allée sur Internet comparer leurs tenues à celles des soldats français de la première guerre mondiale… et pas de doute : ressemblance il y a ! La France ayant beaucoup influencé la construction de la Bolivie en tant que nation, il ne serait pas étonnant que les militaires se soient inspirés d'uniformes français pour créer les leurs… mais comme je ne suis sure de rien, je prefere vous laisser juger par vous-même en regardant les photos.

Evo Morales est arrivé vers midi, en hélicoptère. Apres avoir passé les troupes en revue, il est monté sur la scène pour assister au défile prévu en son honneur. Le défilé valait la peine car en plus des corps de métiers « habituels » (médecins, maîtres, apprentis en tout genre…) il y avait également beaucoup de paysans venus des quatre coins de la région pour défiler devant leur président ! Vêtus de manière traditionnelle, ils défilaient au son des sicuris (flûtes de pan) et autres instruments de musique andin, certains brandissant la whipala, le drapeau des peuples indigènes.

Apres les défilés, Morales a fait un long discours très émouvant ou il fustigeait le néolibéralisme et rendait compte des avancées de ses réformes. Dans un petit village comme Ravelo, ça se traduit par l’arrivée d’un tracteur ou la construction de nouvelles infrastructures pour le village… et cela a beau sembler de petites choses, pour les habitants ce qu'ils observent autour d'eux est ce qui compte le plus.







La semaine suivante arrivait Bruno, qui débutait ses six mois de congé sabbatique en Amérique latine par quelques jours en Bolivie avec moi ! Je suis allée le chercher à La Paz ou nous avions décidé de passer le week-end. Nous étions hébergés chez Daniel, celui qui m’avait déjà logé à mon arrivée il y a deux mois et demi. Il nous a de nouveau reçus comme des rois. Nous avons encore discuté de software libre et il a fini par me convaincre d’installer Ubuntu sur mon ordinateur ! Il me reste à apprendre à m’en servir, mais la motivation est là (j’attends simplement d’avoir Internet sur ma cession Ubuntu pour arrêter de retourner sous Windows chaque fois que je veux me connecter)!







Le week-end s’est hyper bien passé. Le vendredi nous nous sommes promenés dans le quartier marchand de La Paz (des rues et des rues remplies de marchandises en tout genre et d’aliments inconnus à goûter). Nous sommes enfin allés voir le « marché des sorcières », c'est a dire la partie du marché qui abrite les boutiques de potions, amulettes et autres remèdes étranges destinés à résoudre tout type de problème (de la cirrhose au chagrin d’amour… tout se soigne !). Malheureusement (ou heureusement), nous n’avons rien acheté de magique, juste un porte clé en forme de bonnet péruvien mais c’était pour que la mamita qui tenait la boutique nous laisse la prendre en photo !







J’allai oublier : sur le chemin du marché, nous sommes tombés sur un club de tennis de table ! Je n’ai pas pu m’empêcher d’entrer… et j’ai bien fait : son responsable nous a invités à revenir le lendemain pour participer à un tournoi. Nous nous sommes retrouvés le lendemain après-midi à jouer chacun dans une poule de quatre ou cinq joueurs. Malgré le fait que nous ayons été éliminés des le premier tour, ces gentils pongistes nous ont invités à revenir, et vu leur accueil, je compte bien profiter de mes quelques jours a La Paz la semaine prochaine pour retourner échanger quelques balles!







A la fin du week-end nous avons repris le bus pour Sucre ou nous sommes arrivés le lundi, jour de l’anniversaire de Bruno et de mon atelier de cuisine avec les mamans. En Bolivie, la tradition veut que celui dont c’est l’anniversaire plonge la tête dans un gros gâteau à la crème, et j’avais promis aux mamans d’initier Bruno à la tradition pendant l’atelier. Franchement, je dois dire qu’il a fait honneur a la tradition (je dirai même qu’il a fait mieux qu’un vrai Bolivien car il a plongé la tête entière dans le gâteau, or j’ai appris par la suite que le plus souvent les Boliviens n’y trempent que la bouche) !







Voila voila… demain c’est le début du week-end et nous partons camper avec des amis au cratère de Maragua, un « trou perdu » dans les montagnes à quelques heures de bus et de marche de Sucre. Mardi prochain nous repartirons a La Paz. De là, Bruno prendra la direction du Pérou ou il doit retrouver un ami, et moi je prendrai le bus pour Arica, au Chili, ou je dois retrouver Cristian et Macarena, deux amis chiliens rencontrés le premier à Salamanque en Erasmus il y a 4 ans, l’autre à Bilbao l’année dernière pendant mon stage au consulat de France. Au programme plage, visites, retrouvailles, puis départ pour La Paz qu’ils veulent absolument visiter ! Petit hic : il n’est pas sûr du tout que je puisse quitter la Bolivie car mon passeport est actuellement entre les mains de la migration, qui a prévu de le garder deux mois, le temps d’éditer mon visa. J’ai présenté une demande exceptionnelle de prêt de passeport auprès des services migratoires mais je ne sais pas du tout si cela va fonctionner… tout dépendra du bon vouloir des douaniers de La Paz ! Au pire, je resterai à La Paz à attendre tranquillement Macarena et Cristian chez Daniel…







Voila voila…Comme vous le voyez (et même s’il a commencé a faire un peu froid ces derniers jours), tout va toujours pour le mieux sous le soleil de Sucre, et c’est bien parti pour durer !
Muchos besos a todos. Cuidense






Marionnetta

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