mardi 24 mars 2009

Sucre

Nous sommes arrivés à Sucre jeudi matin par le bus de nuit. Le souvenir douloureux d’une nuit passée à grelotter dans un bus lors de mon premier voyage en Bolivie m’ayant appris à ne pas faire d’économie sur les prix des transports, nous avons pris un bus suffisamment confortable pour qu’à la moitié du film (« the patriot »…), nous dormions tous.

A Sucre, Coline et Charlotte, les deux volontaires déjà sur place depuis un mois, plus Maxime, un voyageur de passage logé par Ayni en échange de quelques ateliers de sport dans les bibliothèques, nous attendaient à l’appartement. En fait, tous les trois venaient d’y emmenager, car à leur arrivée il y un mois, Ayni n’avait pas encore trouvé de logement pour les volontaires.

En plus de loger les six volontaires, l’appartement fait également office de bureaux pour l’association. Du coup, petit bémol : même s’il est grand, nous n’avons pas chacun une chambre. Je partage la mienne avec une des deux Charlotte. Au final je suis contente car on s’entend plutôt très bien et que malgré le bruit de la rue et la lumière un peu forte, notre chambre est agréable. Dans d’autres pièces par contre, nous avons quelques soucis : l’évier de la cuisine fuit, la douche du haut ne marche pas, et l’évier à lessive renvoit toute son eau sale dans l’évier de la cuisine, qui déborde régulièrement. Bref… on attend impatiemment que tout ça s’arrange. Heureusement, Nelly, la responsable bolivienne d’Ayni, se met en quatre pour trouver des solutions. Et puis nous avons vite compris qu’en Bolivie il ne faut pas être trop pressé. Depuis deux jours, comme les propriétaires étaient impossible à joindre, c’est le père de Nelly qui vient nous aider… en s’improvisant un jour électricien, l’autre plombier !

Elodie, la responsable française d’Ayni, étant tombée malade (elle a attrapée une salmonelle, bactérie alimentaire qui a l’air assez coriace et dont nous ne sommes pas à l’abris) juste avant notre arrivée, c’est Nelly, la responsavble bolivienne, qui s’occupe de nous. Elle a une énergie impressionnante ! Il y a deux jours elle nous a emmené visiter trois des quatres bibliothèques : Urkupiña, Mesa Verde et Villa Armonia. Pour y aller, il faut prendre des micros (minibus qu’on hêle dans la rue) car elles sont à l’extérieur de la ville (qui est d’ailleurs bien plus étendue que ce que je pensais). La visite des bibliothèques a confirmé ce que m’avait dit Coline : le matériel dont nous disposons pour les ateliers de cuisine est plus que sommaire : deux des bibliothèques seulement sont équipées de fours (des vieux fours qui marchent au gaz), et une seule de plaques de cuisson. Il va donc falloir que nous achetions quasiment tout le matériel pour cuisiner. Comme les moyens financiers de l’association sont très limités, je bénie le CLAP de Villeneuve d’Ascq de m’avoir octroyée une subvention avant mon départ ! Elle va nous être d’une grande utilité…

En fait, en Bolivie, je crois que le plus gros choc culturel concerne la nourriture. Les boliviens mangent un peu toujours la même chose : une soupe et un « plato combinado », midi et soir. Les soupes sont des bouillons avec quelques morceaux de viandes, des pommes de terre, et une céréale pour épaissir (cacahuète, maïs, quinoa, farine, blé…), et le plat principal est le plus souvent composé d’un morceaux de viande, de frites et de riz. Parfois des bananes plantains, parfois un peu de sauces (piquantes !!!), mais c’est en général assez sec et peu varié. C’est dommage car le marché est rempli de légumes ! Pour comprendre leur régime alimenatire, il faut prendre en compte que l’arrivée massive en ville des boliviens est encore relativement récente (exode rural massive au XXème siècle) et qu’ils ont gardé les habitudes et les repaires qu’ils avaient dans les campagnes : les féculents et les corps gras amènent de l’énergie, et la viande de quoi « construire son corps ». Avec tout ça, les légumes sont souvent oubliés. Autre problème : en ville, même s’ils continuent de bouger plus que nous, la sédentarité s’installe, et dans le même temps, les produits importés gagnent du terrain. Les boliviens boivent énormément de sodas et quasiment jamais d’eau (heureusement il y a aussi de délicieux jus de fruits), toute leurs cuissons se font à l’huile… bref, je ne sais pas si j’ai tort, mais j’ai peur que ce passage accéléré à la vie urbaine, couplé à la pauvreté, ne fasse des ravages sur leur état de santé.

Au moment où je finis ce billet, nous revenons de Mesa Verde, la bibliothèque où tous les lundis se réunit le club de madres, une quinzaine de mamans qui papotent en prenant le goûter (aujourd’hui c’était pommes de terre à l’aji (piment) et pâtes). Elles adorent se réunir pour manger et sont donc ultra motivées pour faire des ateliers de cuisine. Du coup, nous avons décidé de commencer dès lundi prochain par un atelier « salades ». Nous allons faire quatre groupes de quatre mamans, qui auront chacun une salade à préparer. Pour ne pas que les mamans soient trop perdues par rapport à leurs repaires habituels, ni que ca leur coûte trop cher, toutes nos salades von avoir une base céréalière, (pommes de terre, riz, mais et pâtes font parti des ingrédient à la base de tous les plats).

Elles ont décidé ensemble qu’afin de participer aux ateliers, elle donneraient chacune un peso, ce qui représente 0,10€. C’est en voyant que cela paraissait cher à certaines que je me suis mieux rendu compte de leur niveau de vie. Il va falloir faire attention à ne pas utiliser d’ingrédients qui coûtent trop cher. Nous allons continuer nos expéditions au marché à la découverte des ingrédients et prix boliviens (on s’est déjà fait arnaquer pas mal de fois chacun mais avec le temps on sait à qui s’adresser et on connaît de mieux en mieux le prix des choses). Une fois que tout a été organisé, les mamans sont parties déblayer un bout du « jardin » de la bibliothèques afin que nous y menions les ateliers (pour ne pas déranger les enfants qui sont à l’intérieur de la bibliothèques, les ateliers auront lieu dehors). Les mamans rigolent beaucoup et ce premier contact s’est vriament bien passé. Je suis pressée d’être à la semaine prochaine pour commencer les ateliers.

Voilà pour cette semaine. Au menu du prochain billet : le récit de mon premier cours de kena (flûte des Andes) demain matin (avec un vrai pro : le joueur de flûte de Los Masis () !!), ainsi que le récit de notre fameux atelier-salades, premier d’une longue série je l’espère! J’ai oublié de dire qu’une semaine sur deux, nous ferons certainement des plats boliviens, donc préparez vous à l’arrivée d’une rubrique « recettes » sur le blog !

Hasta luego todos! Que esten bien !

samedi 21 mars 2009

Quelques jours de repos a La Paz avant d'arriver a Sucre







Nous sommes jeudi… quatre jours déjà que je suis arrivée en Bolivie, mais une journée seulement que je suis à Sucre.
Le voyage s’est bien passé. Avec Assia, la volontaire qui m’accompagnait, Arnaud, mon voisin dans l’avion, et Lita, une allemande d’origine russe (qui vit en Belgique), nous avons profité de faire escale à Miami pour aller à la plage. L’occasion idéale de fouler le sol américain sans avoir à y rester trop longtemps. Malheureusement, ce n’est pas pas encore cette fois ci que mon aversion pour ce pays (trop grand pour être réduit à ses clichés, je le sais, mais c’est plus fort que moi) disparaîtra. Entre l’aéroport et la plage, rien que de larges avenues arpentées par de grosses voitures reluisantes et bordées de complexes hôteliers sans charme. La plage, heureusement, avec son eau azur et ses cocotiers, valait la peine de s’y allonger quelques heures. A la fin de l’après midi, nous avons repris, tongs aux pieds, le bus pour l’aéroport où nous attendait Charlotte et Mickaël, les deux autres volontaires d’Ayni arrivés à Miami par le vol suivant.

Nous sommes arrivés à la Paz à 7H le lendemain matin (c’est à dire lundi midi chez nous). Là bas, Daniel, un collaborateur d’Ayni, nous attendait. C’est lui qui nous a gentiment hébergé pendant deux jours ! Chez lui nous avons fait la connaissance d'une famille de français qui parcourt l’Amérique en vélo-couché depuis huit mois ! Zoé accompagne ses parents dans leur périple grace à une petite cariole qui s’attache aux vélos-couchés, et elle est même suivie en France par sa classe grace à un blog : http://zoe.aux.zameriques.over-blog.com/3-index.html. A aller voir absolument ! Si le vent les y porte, ils passeront peut être nous voir à Sucre dans quelques jours. Affaire à suivre !

Pendant ces deux jours à La Paz, quand nous n’étions pas à l’appartement à discuter politique ou logiciel libre avec Daniel (qui travaille chez Entel, l’entreprise de télécommunication nationalisée il y a quelques mois par le gouvernement de Morales), nous visitions la ville. De la terrasse de Daniel, nous avions une vue imprenable sur cette immense métropole, perchée à 4000m de hauteur et construite dans une cuvette. Chose étonnante : comme conséquence de l’exode rurale massive de ces dernières années, les plus pauvres se sont installés sur le flanc des montagnes, étirant toujours plus haut les limites de la ville. Si le quartier de Daniel est plutôt tranquille, durant la journée le centre ville est animé en permanence. Microbus, vendeurs de nourriture ambulants, petites boutiques en tous genre, cireurs de chaussures… à chaque coin de rue de nouvelles découvertes nous attendaient.

Cette ville est accueillante, certes, mais il faut quand même faire attention. Dès notre premier repas, dans une petite cantine tout à fait correcte, Arnaud s’est fait voler son sac et tout son matériel de photo. Cette mésaventure nous a rappelé que dans certains endroits, mieux vaut surveiller ses affaires de près ! Heureusement, à Sucre, nous n’avons à priori vraiment pas grand chose à craindre.

Mardi soir, nous avons rejoint Daniel au siège d’Entel pour une mini conférence sur les logiciels libres… ou l’intérêt de laisser tomber Windows, entreprise monopoliste et lucrative, pour se mettre au « softwares » libres. En résumé (pour ceux qui comme moi n’avait pas l’esprit clair sur le sujet) : les logiciels libres sont des logiciels gratuits, qui circulent librement et sont modifiables à souhait. Un usager qui améliore le logiciel pour son propre compte a ensuite tout intérêt à le « rebalancer dans le circuit » afin que d’autres l’améliorent à leur tour et lui permettent d’en profiter. Malheureusement, malgré mon engouement pour les logiciels libres, j’ai la sensation que Windows a rendu les gens tellement dépendants à ses propres logiciels que la perspective de devoir tout réapprendre en passant aux logiciels libres leur fait peur. Pourrait t-on imaginer de n’installer que des logiciels libres dans les lycées et collèges afin de familiariser les élèves dès leur plus jeune âge aux logiciels libres. Pour ma part, Daniel m’a donné un « système d’exploitation libre » à installer… je ne sais pas encore si j’aurai le courage de m’y mettre. Autre affaire à suivre.

Le lendemain soir de la conférence, nous sommes retournés au siège d’Entel pour la présentation publique d’un livre sur les conséquences de la nationalisation de l’entreprise de téléphonie. Autre sujet intéressant puisque ETI, l’entreprise italienne qui détenait Entel avant la nationalisation, a décidé de poursuivre la Bolivie devant le CIRDI (centre de règlement des différents internationaux en matière d’investissements). Mais pas question pour la Bolivie de comparaître car d’une part, elle s’était déjà retirée du CIRDI au moment où ETI a porté l’affaire devant la justice. D’autre part cette nationalisation apparaît tout à fait naturelle puisque plutôt que de les réinvestir en BolivieETI renvoyait tous ses bénéfices à l’étranger. Bref, entre le droit des peuples à accéder aux services et le droit des entreprises à protéger leurs investissements… le débat reste ouvert. Néanmoins, ma sympathie va bien sûr au peuple bolivien, qui dépend encore beaucoup trop à mon goût d’entreprises étrangères peu soucieuses de ses lointains clients latinoaméricains.

vue de haut d'El Alto

Mercredi avant de prendre le bus pour Sucre nous avions rendez vous avec un ami de Daniel pour visiter El Alto. En fait El Alto, qui est la troisième ville de Bolivie par la taille, a à peine 50 ans ! Elle est le résultat de trois vagues de migrations, la première au milieu du siècle, la seconde en 1980, de paysans ruinés par la sécheresse, et la troisième en 1985 avec la fermeture des mines d’étain et la mise à pied de milliers de mineurs. Dans cette ville champignon en perpétuelle construction, les migrants sont tous devenus des travailleurs informels, chacun s’est trouvé une activité de subsistance (la plupart des alteños vivent avec moins d’un dollar par jour). Mais, chose étrange, quand on s’y promène ce n’est pas la pauvreté qui frappe le plus, mais plutôt le mouvement incessant, les trottoirs envahis de marchants, les rues envahies de microbus, les immeubles sur lesquels on ne cesse d’ajouter des étages, les odeurs, le bruit…
Et puis les apparences sont trompeuses : El Alto est bien plus organisée qu’elle n’y parait. Abandonnés à leur sort depuis des dizaines d’années, les alteños se sont rassemblés en juntas vecinales, des comités de quartiers vecteurs d’entraide entre les habitants d’une même zone. Pour coordonner le tout : la Fejuve, fedération des juntas vecinales, rassemblent des représentants de chaque junta. Les mouvements sociaux d’El Alto se sont rendu célèbres en 2003 en jouant un rôle de premier plan dans l’éviction de Sanchez de Losada du pouvoir.

A l’heure où je publie ce papier, nous sommes déjà samedi matin… cela fait deux jours que je suis à Sucre et j’ai déjà tellement à ajouter à ce papier. Mais ce sera pour le prochain billet, moins fouilli que celui ci c’est promis ! En me relisant, je me rends compte que plutôt que de mon quotidien, j’ai vraiment envie que ce blog parle de la Bolivie, de ses habitants, de ses défis, de ses merveilles et de ses problèmes… n’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez !

J'espère que vous allez tous bien ! Cuidense mucho y hasta pronto.

Marionnetta

lundi 9 mars 2009

Enfin l'heure du départ!!

Hola a todos

Cela faisait plusieurs mois déjà que je pensais, rêvais, parlais de partir en volontariat à l'étranger. Début novembre, j'ai décidé de me lancer : je me suis présentée à l'Adice, une association qui propose des programmes d'échanges. J'avais frappé à la bonne porte! Après plusieurs semaines de démarches et de réunions de préparation, tous les volontaires de mon projet sont prêts. Nous partons dimanche 15 mars, c'est à dire dimanche prochain! Décollage prévu à 10H de Roissy. Destination Sucre, en Bolivie, pour une durée de 9 mois, en Service Volontaire Européen (SVE).



Ceux qui me connaissent savent l'importance qu'a acquis ce pays dans ma vie. D'abord pour les quelques jours que j'y ai passés en 2003 lors de mon voyage en Argentine avec Caroline, et puis surtout pour le mémoire que j'ai réalisé sur la stabilité en Bolivie pendant mes études. Si, si, rappelez vous, en 2006 quand j'ai arrêté de vivre pendant plusieurs mois pour consacrer jours et nuits à la compréhension de ce mystérieux pays.


Là, changement de contexte, il n'est pas question d'étudier, mais d'agir! Du concret, enfin, et associé à un thème qui me touche particulièrement : l'alimentation. En fait, mon projet s'intitule "mise en place d'ateliers-nutrition", mais comme je n'ai étudié ni la nutrition, ni même la diététique, je ne trouve pas ce titre très adapté. Retenez plutôt, pour le moment, que je fais monter des ateliers de cuisine et de jeux sur l'alimentation! Pour m'aider dans mon projet, il y aura Coline, une jeune lilloise passionnée de diététique, qui va travailler plusieurs mois sur le même thème que moi. Grâce à nos profils différents, nous espérons mettre en place des ateliers complémentaires : certains plutôt techniques, d'apprentissage des qualités nutritionnelles des aliments et des différentes manières de les cuisiner , et d'autres, plus pratiques, d'échange de bons procédés culinaires et de jeux sur le thème de l'alimentation avec les jeunes. Bref, j'ai quelques idées d'ateliers mais je n'en dis pas plus pour le moment car tout ça se précisera sur place.


Pour l'instant, place aux préparatifs et aux au-revoir... mon pot de départ de vendredi sera l'occasion de revoir ceux d'entre vous qui habitent à Lille, et d'emmagaziner de votre chaleur humaine pour affronter les moments de blues là-bas, inévitables quand on part longtemps.


Et puis une fois là-bas, quand le besoin de vous se fera trop pressant : ce blog me permettra de raconter ce que je vis, et, grâce au mail et à vos commentaires, d'avoir quelques nouvelles de vous à me mettre sous la dent en attendant décembre (retour au pays le 11 décembre, le jour de mon anniversaire)!


Je m'arrête là, émue à l'idée de publier ce billet, premier d'une longue série je l'espère!
Je finirai tous mes billets par mon expression préférée en espagnol : Cuidense mucho! (Prenez soin de vous)

Un beso


Marionnetta